Un paradoxe qui s’explique
Comment expliquer que les potentiels repreneurs aient tant de peine à trouver une ferme à exploiter? Leurs difficultés sont des obstacles juridiques, financiers et sociaux, indique l’Association des petits paysans. La principale pierre d’achoppement reste toutefois le financement.
Lire aussi: Les paysans suisses sont résignés face à la baisse des prix agricoles
Quand une exploitation est cédée à un tiers qui n’appartient pas à la famille, c’est sa valeur vénale qui détermine son prix. Or celle-ci est souvent bien supérieure à sa valeur de rendement: elle est jusqu’à 2,5 fois plus élevée selon les régions, relève l’association.
Le droit foncier rural présente en outre des lacunes: il n’autorise en principe pas la division des domaines, mais il prévoit des exceptions. Nombreux sont ceux qui recourent à ces règles d’exception, avec pour conséquences des divisions de domaines. Partagés au lieu d’être transmis dans leur intégralité, les domaines ne sont plus viables.
Enfin, les paysans qui sont sur le point de cesser leurs activités ne sont pas toujours conscients du fait que la relève existe. C’est pourquoi l’Association des petits paysans veut lancer prochainement une campagne de sensibilisation.
1100 domaines touchés chaque année
Pour qu’un paysan puisse sereinement remettre son exploitation à un jeune repreneur externe à la famille, il lui faut à la fois une bonne dose d’idéalisme, une situation financière saine – absence de dette et retraite assurée – en plus de la compréhension de ses proches, déplore l’Association.
Faute de solution de financement appropriée, l’option la plus tentante est souvent de céder une partie de ses terres à son voisin. Beaucoup d’exploitants cherchent du reste à s’agrandir et sont en mesure de faire des offres alléchantes. D’autant plus s’ils laissent au propriétaire la possibilité de continuer à vivre dans sa ferme.
La transition doit être financièrement viable pour les deux partenaires et ces conditions ne sont pas évidentes à réunir. La solution consiste parfois à recourir au prêt sans intérêts, voire au crowdfunding. Les instruments sont nombreux, relève l’Association, mais il est souvent nécessaire de s’appuyer sur les conseils de spécialistes.
Lire aussi: L’agriculture perdra 514 millions de francs
L’Association des petits paysans veut interpeller le monde politique sur cette problématique, car ce ne sont pas moins de 1100 domaines en moyenne qui sont touchés chaque année. Au nombre des exploitants, 55,4% sont âgés de plus de 50 ans, selon les relevés de l’Office fédéral de la statistique (OFS), et plus du tiers ne disposent pour l’instant d’aucune perspective de relève.
Durcir les règles du droit foncier
Étant donné les défis auxquels l’agriculture est confrontée en ce moment, le changement générationnel devrait être vu comme une chance, insiste l’Association. Aussi est-il crucial de trouver des solutions constructives pour favoriser la transmission de domaines.
La sphère politique et les milieux paysans ne semblent toutefois pas s’accorder sur les priorités. Certains voudraient durcir les règles du droit foncier rural pour mieux favoriser la continuité des petits domaines. Mais ces modifications risquent de brider les envies d’expansion des grands exploitants.
En 2015, le conseiller national jurassien Jean-Paul Gschwind (PDC) avait lancé une motion dans ce sens, qui devait accorder une plus grande marge de manœuvre aux cantons. Soutenu par l’Union suisse des paysans, l’objet avait toutefois échoué au Parlement à une majorité de 105 voix contre 84.